arsinoeduponchel
L’âme agit
Est-ce que tu m’entends ?
C’est moi, ton âme.
Est-ce que tu m’entends ?
Tu es restée si longtemps endormie.
Je te voyais te fuir et convulser parmi les ombres de ton passé ;
La cage aux rats.
Et tu n’avançais pas plus
Que dans la roue des éternels recommencements :
Samsara.
J’ai longtemps souhaité te dire
Que le monde n’est pas comme tu l’imagines.
Tu construisais ta propre misère
Tu vénérais ta propre ruine :
Tu l’érigeais en infini.
Mais tu n’étais pas prête à m’entendre.
Et j’ai vu tes yeux se teinter de gris
Comme ceux des morts qui rêvent.
Tu avais
La bouche tordue en une grimace
D’un corps qui ne connaît que la survie
En lutte avec les fantômes de la guerre.
Et je ne sais pas d’où ils te sont venus,
Tu avais dix-huit ans à peine.
Mais je savais ce qu’ils voulaient dire
Alors je t’ai éloignée des fenêtres.
Excuse-moi pour toutes ces années que tu as passées à récurer des corridors.
C’était nécessaire pour que tu acceptes de vivre dans la réalité.
Car avant, souviens-t-en,
Tu voulais en finir.
Ton pire est venu en craquements d’enfance
Et tu as dû te reconstruire.
Fille-enfant des bidonvilles de Rio de Janeiro
Tu voulais voyager.
Loin de la puanteur des hommes
Du calice où la fausse religion se devine
Et loin de l’haleine fétide
Des filles de joie adolescentes.
Alors, je t’ai faite partir.
Et, partout,
Tu as commencé à me chercher.
Pourtant, j’ai eu peur de te perdre.
Je te voyais vaciller entre l’alcool et la sueur
Entre l’horreur des addictions
Le calvaire du crime
Et toujours l’impératif de fuir, toujours,
Face à une dure réalité :
« Pour exister, il faut te soumettre. »
Je voulais te dire que ce n’était pas vrai.
Mais mes paroles sont restées vaines :
Tu visais les miroirs à l’œil vide
Où ta haine se reflétait.
Tu t’es pliée aux volontés
Comme une coquille protéiforme
A la merci de qui voulait
Te prendre, t’humilier, te détruire,
Ou te déformer.
Et je sais que cela fait mal de remuer les plaies
Mais il faut que tu me regardes
Car je te dis la vérité.
Toutes ces paroles, autrefois, tu ne voulais pas les voir.
Tu en es même venue à t’aveugler.
Tu crois que je ne sais pas tes détours ?
Mais, je suis celle
Qui voit ce que tu cherches à cacher
On ne peut toujours se mentir à soi-même.
Et j’ai vécu avec toi l’enfer des poubelles,
Chercher des ordures à manger,
Et puis te faire remplir par elles
Car c’était ce que tu pensais :
Que tu ne valais pas mieux que la merde
Dis-moi combien on s’est trompées.
Avec cette voix qui est la tienne
Belle et claire comme celle d’un oiseau,
Et qui s’élève aujourd’hui
Loin des bidonvilles
Et de Rio de Janeiro.
Aujourd’hui, le soleil se lève
Sur les toits et les gouttières
D’un monde que tu trouves plus beau
Et que malgré toi
Tu aimes.
Alors, quand tu viens me dire
Que tu ne crois plus en rien ni en personne
Cela me fait bien rigoler.
Cesse de te rebeller
Regarde un peu d’où on arrive.
Derrière il y a la cage à rats.
Et tu peux bien me dire ce que tu veux mais
C’est toi, aujourd’hui,
Qui décides.
Devant,
Ce sont les terres de l’inconnu,
Alors.
Est-ce que tu veux avancer ?
Tu peux choisir l’avant ou l’arrière
Si tu as trop peur de changer
Mais cette vie n’est pas un rêve.
C’était la vie qui t’attendait
Et que, par arrogance peut-être
Tu avais choisi de refuser.
T’en souviens-tu ? Tu m’appelais enfant dans tes rêves
Tu me disais que tu voulais tout corriger.
Maintenant je peux enfin te rencontrer
Et je peux enfin te promettre
Ce que tu m’avais demandé.
Quel que soit là où la vie te mène
Tu n’as plus à te cacher pour respirer.
Et tu n’as plus à hurler au désert
Car tu t’es réveillée.